Albertine, 14 ans, vient d’arriver au centre Maria Goretti situé à Kouarfa au Bénin. Elle s’y est réfugié pour échapper à un mariage forcé, après une première tentative à l’âge de 11 ans.
Je m’appelle Albertine. Je suis originaire d’un village qu’on appelle OUETIPOUNGA dans la commune de Natitingou. Je suis l’aînée et la seule fille d’une famille de 5 enfants.
A 6 ans, j’allais à l’école pour la première fois. Je l’ai quittée une première fois à 11 ans : mes parents voulaient me marier. Je ne faisais que pleurer. Ma belle-famille m’a trouvée trop petite pour assumer les responsabilités d’une épouse. On m’a reconduite chez mes parents et il se sont engagés à me ramener quand j’aurai 14ans. Je suis retourné à l’école mais pas pour longtemps parce que mes parents craignaient que l’école ne me fasse découvrir mes droits et refuser d’obéir à la coutume. Alors à 13 ans, mes parents me retirent de l’école et m’envoient auprès d’un oncle pour travailler dans les mines d’or à TCHANTANGOU situé à une trentaine de kilomètre de mon village. Pendant un an, j’ai travaillé dur au milieu d’autres enfants sous un soleil de plomb buvant de l’eau sale. Beaucoup mourraient sur le site et j’avais peur de mourir aussi.
Au bout d’un an, on m’a contrainte à acheter mes ustensiles de cuisine (la dot, NDLR) pour rejoindre ma dite belle-famille. Papa me dit : « tu sais que tu dois rejoindre ton mari à KOUAFRA » ? Je lui ai répondu : « je ne veux pas. Je préfère mourir que d’épouser un vieux qui a l’âge de mon grand-père. Alors mon papa en colère m’a menacé de me chasser de la maison. Au village, quand une fille est chassée de sa famille pour raison de désobéissance à la coutume et à ses parents, personne ne peut l’accueillir par crainte de représailles.
Le jour tant redouté arriva. On me conduisit alors dans la belle famille : je n’avais que 14ans et l’on me présenta un vieux de plus de 60ans. Et j’ai dit non. Je préfère me marier à un jeune de mon âge qu’à un vieux grand-père. Avant mon arrivée deux vieux se disputaient même pour savoir de qui je serais l’épouse. Je ne voyais que cette alternative : me suicider ou épouser un grand-père.
Et puis j’ai appris l’existence du centre Maria Goretti et ce qui s’y faisait avec le Père et les sœurs. J’y suis allé et ils m’ont fait un bon accueil. Aussi je ne me suis pas suicidée. Mais le Père et les sœurs ont été menacés. Ils ont dû faire appel aux forces de l’ordre pour les discipliner. Le père les a menacés aussi de les traduire en justice.
Depuis lors mes parents refusent de m’admettre dans la famille. J’espère qu’au fil des années ils reviendront à de meilleurs sentiments. Aujourd’hui, je pense à toutes ces filles que je rencontre dans le village, victimes du mariage forcé. Je dois mon salut à toutes ces personnes que je ne connais pas mais qui œuvrent pour nous rendre heureux. »
Le CENTRE SAINTE MARIA GORETTI a vu le jour grâce à l’appui de la Fondation Raoul Follereau pour répondre à un besoin qui touche principalement les jeunes filles. Elles sont les premières à se voir priver de leurs droits à l’éducation, à l’instruction, à la liberté, même si les garçons ne sont pas épargnés. Plus spécifiquement, les jeunes filles mineures sont victimes de mariage forcé, souvent accompagné de violence physique pour celles qui refuseraient de se plier aux injonction de la coutume et de leur famille. Certaines parviennent à s’échapper et viennent se réfugier au centre où nous prenons soin d’elles.