Anne-Sophie et Florent ont fondé ensemble Terre Amoureuse avec l’aide de la Fondation Raoul Follereau. A la fois maison d’hôte et entreprise agricole, Terre amoureuse accueille des jeunes en grandes difficultés.
La brume se dissipe peu à peu en haut des collines du Brionnais, laissant entrevoir, à la croisée de deux vallées, la ferme d’Anne-Sophie et Florent. Installé depuis 2011 dans la région, le couple s’est lancé avec passion dans un projet écologique et solidaire. « Nous avons acheté une ruine et quitté nos boulots et la région parisienne », se souvient Anne-Sophie. Aujourd’hui, la ruine s’est transformée en jolie ferme entourée d’un potager et d’un petit verger. « Nous avons commencé par être une maison d’hôte puis, au fil des années, nous avons acheté des terrains et des brebis. Notre objectif est de penser un nouveau mode d’exploitation agricole plus respectueux de l’humain et de l’environnement », explique Florent. C’est ainsi qu’est née, dans le bocage du brionnais, Terre Amoureuse. A la fois ferme et maison d’hôte, Terre amoureuse est un havre de paix pour de nombreux jeunes de passage en quête de sens. « Ici, il n’y a pas de réseau », souligne Anne-Sophie. « Ce n’est pas une zone blanche mais une zone libre », renchérit Florent avec un sourire.
Créer un lien entre villes et campagnes
Depuis cinq ans, le couple est aussi maison d’accueil pour les jeunes, âgées de 14 à 18 ans, en difficulté. « Nous avions ce projet en tête depuis le début », souligne Anne-Sophie, « nos expériences respectives à Paris ont fait émerger en nous le désir de créer un lien entre les villes et les campagnes. Il y a beaucoup de préjugés des deux côtés. » Le couple a accueilli une cinquantaine de jeunes via des foyers de Paris et de Lyon. « Les foyers nous contactent pour nous adresser un jeune pendant trois semaines ou un week-end. Certains ont des histoires très lourdes et viennent d’un établissement pénitentiaire pour mineur », précise la jeune femme. Le changement d’environnement est de prime abord déstabilisant pour les jeunes. « Dans les foyers, ils se donnent un rôle de caïds, tout le temps sur le qui-vive en raison de la violence qui règne. Une fois chez nous, la carapace se défait petit à petit. Face au silence de la campagne, ils apprennent à connaître une partie d’eux-mêmes. » Aider à la bergerie ou à la cuisine, planter des arbres… Les activités proposées aux jeunes sont diverses et sans obligation, centrées sur le vivant. « Nous souhaitons leur redonner confiance en eux. Cela peut paraître anecdotique mais ils n’ont pas l’habitude d’être remerciés par exemple », souligne Florent, « l’agriculture est le support. » Anne-Sophie et Florent sont conscients de n’être qu’une « parenthèse » dans la vie de ces jeunes pourtant, « il y a un changement visible chez eux à la fin du séjour. » Pour Florent, cela tient en partie à « notre vulnérabilité partagée. Le monde paysan est fragile, tout comme ces enfants placés… »
A la fois chefs d’entreprise et famille d’accueil, Anne-Sophie et Florent ont une double casquette au service de ces adolescents. « Beaucoup de jeunes nous ont marqué mais je pense particulièrement à R. », se souvient Florent, « au cours d’une balade, il m’avait raconté sa vie faite de violence et de trafics. De fil en aiguille, nous en sommes venus à parler de son avenir. En rentrant, nous avons fait un CV ensemble. Il était tellement fier qu’il l’a envoyé à sa mère alors qu’il était en conflit avec elle. Pour nous, c’est une victoire. » L’histoire de R. n’est pas la seule à conforter Anne-Sophie et Florent dans leur volonté d’orienter leur aide vers l’insertion professionnelle des jeunes en difficulté.