La France est entrée dans un nouveau mois de confinement. Une situation difficile à vivre pour les populations les plus pauvres. A Marseille, une belle chaîne d’entraide s’est mise en place rapidement pour leur venir en aide sur trois plans : scolaire, alimentaire et fraternel.
Dans le 3ème arrondissement de Marseille, les habitants de la Belle-de-Mai, un des quartiers les plus pauvres de France, vivent le confinement dans l’angoisse. La peur d’être contaminé, la peur d’être seul, la peur de ne pas pouvoir se nourrir. « Personne ne sait de quoi demain sera fait. Il n’y a aucune prise sur l’avenir », explique Aymeric O’Neill, un membre de l’association Massabielle qui organise l’animation de rue et le soutien scolaire en faveur des enfants et des habitants des quartiers Nord et Belle-de-Mai. La mise en place d’un important dispositif policier dès l’annonce du confinement a permis son respect par les habitants. Cependant, de nombreuses familles accumulent précarité financière et sociale. « Beaucoup de gens vivaient uniquement grâce à des petits boulots journaliers. Mais aujourd’hui, tout s’est arrêté. Nous sommes les témoins d’une descente dans la pauvreté », déplore Aymeric. Face à ce constat, une belle chaîne de solidarité s’est mise en place. Acteurs publics, privés et associatifs travaillent en réseau au service des plus fragiles.
L’école à l’heure du confinement
Depuis la fermeture des écoles, collèges et lycées, les parents doivent prendre le relais des professeurs. Une situation « compliquée pour tout le monde », souligne Philippine, animatrice au patronage de La Source, situé au cœur de la Belle-de-Mai, « nous avons dû suspendre nos activités en présence des enfants mais nous nous sommes organisés pour continuer nos actions différemment. » La jeune femme a fait le choix de vivre le confinement dans les locaux du patronage avec quelques jeunes volontaires, en service civique au patronage pour l’année scolaire. La pédagogie de La Source repose sur deux piliers : le jeu et le soutien scolaire. « Nous prenons le temps d’appeler les familles pour prendre de leurs nouvelles et continuer le soutien scolaire. Notre objectif est le même : travailler régulièrement et avec fidélité. » Ce relais est important notamment pour les parents qui maîtrisent mal la langue française. « Nous sentons que des parents sont stressés d’être avec leurs enfants toute la journée et d’avoir la responsabilité de leur scolarité. Certaines mamans prennent conscience des lacunes de leurs enfants. »
Les volontaires de La Source se relaient pour donner un rythme de travail à chaque enfant du patronage. « Les professeurs donnent les cours en ligne et devoirs, ce qui est une bonne chose. Mais certaines familles n’ont pas internet et encore moins d’imprimante », déplore Aymeric. Pour pallier à cela, les jeunes bénévoles de La Source ont entrepris d’imprimer et de distribuer les cours directement dans les boites aux lettres. « Il y a des parents très investis dans l’éducation de leur enfant en cette période de crise », souligne Philippine, « ils sont formidables. »
Lors des temps libres, pour occuper les enfants et à la demande des parents, il est possible de venir chercher des jeux ou des livres devant la porte du patronage. « Nous avons également eu l’idée de donner un rendez-vous quotidien à 18 heures aux gens confinés chez eux autour de La Source. » Chacun peut alors, depuis sa fenêtre, regarder un petit spectacle joué par les volontaires dans la cours ou participer au jeu « Question pour un balcon ». « C’est notre moyen d’être présents physiquement », précise Philippine.
Une détresse sociale qui s’accentue
Le ralentissement de l’économie et la distanciation sociale ont eu des impacts forts sur les personnes sans-abris, les personnes en précarité, les migrants, les personnes isolées et toutes les familles qui vivent et survivent grâce aux associations locales ou à l’économie informelle. Face à l’ampleur des besoins, le diocèse de Marseille a confié à un homme de terrain, Charles-Henri Garié délégué épiscopal à la solidarité, la mission de coordonner la solidarité en lien étroit avec les acteurs publics de Marseille notamment avec le Préfet et les acteurs sociaux. Lors d’un entretien accordé au secrétariat général de la conférence des évêques de France, il déclarait : « Marseille est une ville très pauvre. Elle est faite d’une population venant de tous horizons sociaux, culturels, géographiques ; beaucoup de personnes y vivent dans la précarité. La ville compte beaucoup de cités en centre-ville, et plusieurs squats. La situation que nous vivons aggrave encore plus ces conditions de pauvreté. […] Beaucoup d’associations ont dû arrêter leurs actions car leurs bénévoles étaient vulnérables car âgés. La première semaine de confinement a été très difficile, la faim a provoqué des tensions. […] Nous sommes aussi attentifs aux personnes très précaires qui, sans être forcément sans domicile, vivent dans une grande pauvreté. Je pense aux migrants qui ne veulent pas sortir de chez eux, aux familles et personnes seules très mal logées qui n’ont plus de revenus. Dans le réseau catholique, de plus en plus de personnes se présentent en n’ayant plus rien à manger. »
La première urgence a donc été de permettre aux plus démunis de se nourrir dignement. Tous les acteurs s’organisent pour distribuer un maximum de denrées alimentaire ou de produits de première nécessité : la Banque alimentaires, les Resto du cœur, le Secours catholique, les couturières pour coudre des masques, la police municipale pour assurer la sécurité des distributions, etc. « Si une association n’a pas les moyens, elle demande de l’aide à la ville ou à une autre association. Nous trouvons ensemble des solutions », explique Aymeric. Depuis le début du confinement, les sœurs de la Charité cuisinent et conditionnent près de 400 panier-repas par jour. La Banque alimentaire confectionne également des cartons de denrées alimentaires financés par la ville et distribués par les associations. L’association Massabielle travaille sous la responsabilité du diocèse et s’est portée volontaire pour distribuer 250 repas tous les jeudis à La Source.
Aux yeux des membres de l’association Massabielle, l’espérance soutient les familles dans l’épreuve et se vit de trois façons : la structure familiale, la fidélité des institutions qui s’occupent des plus fragiles, la certitude de l’au-delà. « Sans un des trois, il est difficile de tenir. »
Ce réseau d’entraide qui se tisse est source d’espérance et permet à de nombreuses personnes de tenir la tête hors de l’eau. « A ce jour, les parents que nous connaissons appréhendent l’après-confinement. Ils voient l’été arriver avec le retard scolaire de leur enfant. Ils nous demandent de préparer des cours de rattrapage. » De toute évidence, la présence fidèle de l’association Massabielle envers les familles est rassurante dans un contexte où demain n’a plus de sens.