Championne du monde de para tennis de table, Alexandra Saint-Pierre participera aux Jeux Paralympiques de Paris 2024. Souhaitant donner voix aux malades de la lèpre, elle est ambassadrice de la Fondation Raoul Follereau.

 

Alexandra Saint-Pierre, vous êtes devenue paraplégique à la suite d’un accident de la voie publique, en 2017. Comment le tennis de table vous a-t-il aidée à vous reconstruire ?

Alexandra Saint-Pierre : « Enfant, j’ai joué au tennis de table jusqu’à mes 11 ans. En 2017, un premier accident de la voie publique m’a rendue paraplégique, j’avais alors 19 ans. L’année suivante, j’ai été agressée à l’arme blanche, et quelques mois plus tard j’ai eu un second accident de la route. Après cela, je me suis renfermée sur moi-même, je ne me sentais plus en sécurité au-dehors… Un médecin m’a alors invitée à reprendre une activité sportive pour me remuscler, et me donner de nouveaux objectifs pour sortir de chez moi. Je me suis naturellement tournée vers le tennis de table que je savais pouvoir se jouer en fauteuil. Dans un club proche de chez moi, j’ai repris plaisir à jouer. Assez vite, encouragée par mon coach, j’ai participé à une première compétition locale, puis au Championnat de France, puis au Championnat du monde de para tennis de table. Et j’ai repris confiance en moi peu à peu.

L’acceptation du handicap s’est faite progressivement. En reprenant le sport, il a fallu que je me remuscle le dos, que je prenne soin de mon corps et que j’apprenne à l’accepter tel qu’il était. Le tennis de table m’a aidée à retrouver une mobilité et une autonomie au quotidien, mais aussi à renouer du lien social d’abord dans mon club, puis dans les écoles où je témoigne. Les compétitions en handisport me permettent aussi d’échanger avec des personnes qui ont le même vécu : entre nous, nous nous comprenons. Aujourd’hui j’ai une réelle autonomie, j’ai mon propre appartement, ma voiture, je peux m’occuper de ma nièce. Et, à mon tour, je peux répondre aux questions des personnes nouvellement en situation de handicap. »

 

Ces 2 dernières années, vous avez participé aux Journées mondiales des malades de la lèpre à Rouen. Qu’est-ce qui vous a conduite à vous engager auprès de la Fondation Raoul Follereau ?

Alexandra Saint-Pierre : « Dans mon club, j’ai rencontré un bénévole-responsable de la Fondation Raoul Follereau, Jean-Philippe Damoiseau. Celui-ci m’a parlé des malades de la lèpre, de la Fondation et m’a proposé de participer aux Journées mondiales des malades de la lèpre (JML) en janvier 2023. Au cours d’une conférence, j’ai témoigné de mon expérience du handicap et de cette phase de reconstruction par laquelle passent aussi les personnes atteintes de la lèpre. Mais celles-ci disposent de beaucoup moins de moyens que nous en France. Alors depuis, j’essaie de faire connaître cette maladie et d’ouvrir des espaces de dialogues car je vois que beaucoup de personnes ne connaissent pas la lèpre. Cette année, j’ai à nouveau participé aux JML aux côtés de la Fondation Raoul Follereau.

Si ma visibilité de sportive de haut niveau peut aider les malades de la lèpre et faire connaître les actions de la Fondation pour soigner et aider ces personnes, c’est avec plaisir. »

Après ses accidents, Alexandra Saint-Pierre s’est reconstruite physiquement et mentalement grâce au « ping », comme elle aime à appeler son sport de prédilection. ©Emmanuelle Lemercier

Les malades de la lèpre, comme les personnes en situation de handicap peuvent souffrir de certains regards. Comment vous-même, avez-vous su les dépasser ?

Alexandra Saint-Pierre : « Après mon accident, j’ai eu beaucoup de mal à accepter mon handicap. Or quand on n’accepte pas son handicap, cela rend très compliqué aussi d’accueillir le regard des autres. Progressivement j’ai compris que j’étais normale, avec un fauteuil roulant. J’aime faire de la sensibilisation auprès des enfants et des jeunes, pour faire changer les regards. Le sport aide beaucoup aussi : c’est l’un des rares endroits qui rassemble une grande diversité de personnes, c’est un très bon outil d’inclusion.

Les malades de la lèpre eux aussi souffrent du regard des autres. Pourtant, ce sont des personnes normales, ils ont juste été marqués par une maladie. Si on sensibilise les personnes autour d’eux, leur famille, leur communauté, cela peut les aider à se réinsérer, à exercer un travail ou aller à l’école, et à retrouver une certaine autonomie.

Souvent dans le regard des personnes, on voit la peur de la différence. Comme chez les personnes qui portent des séquelles de la lèpre, mon handicap est visible. Il faut se rappeler que les regards peuvent être difficiles aussi pour les personnes en situation de handicap invisible, et il y a autant de handicaps que de personnes portant des handicaps. Il faut travailler à changer les regards dans la société, en informant et en expliquant qu’on n’est pas handicapé, on est en situation de handicap dans telle ou telle situation.

L’humour aide aussi à faire tomber des barrières : les personnes sont intriguées en nous voyant rire, et viennent plus facilement nous poser des questions. Les regards changent. »

 

 

Après les Jeux Paralympiques de Paris, la pongiste au regard vif et au grand cœur s’accordera quelques mois de pause bien mérités, avant d’entamer des études d’ergothérapie pour « à [son] tour aider les autres ».