L’abbé Dauchez est directeur de la fondation « Un Pont pour les enfants », soutenue par la Fondation Raoul Follereau depuis 2001. Chaque jour il travaille pour voir fleurir les sourires d’enfants.
© Corentin Fohlen. Manille, Philippines. Septembre 2012. Le centre d’accueil « drop in », premier passage des enfants des rues. Réservé aux garçons, ils y restent entre 1 mois et 1 an avant d’être dispatches dans les autres centres d’accueil. Le père Matthieu Dauchez, directeur exécutif de la Fondation TNK.
Pouvez-vous présenter en quelques mots l’action de TNK ?
La fondation « Tulay ng kabataan », qui signifie « Un pont pour les enfants » en langue tagalog, œuvre en faveur de quatre programmes distincts : les enfants des rues, les enfants avec un handicap, les enfants des bidonvilles et les enfants chiffonniers. Le nom de la fondation choisi par les enfants eux-mêmes, résume plutôt bien sa vocation. Il s’agit de passer d’une vie à l’autre, de l’ombre à la lumière, de la déchéance à la dignité et d’une certaine manière de la mort à la résurrection. Les éducateurs vont tous les jours et toutes les nuits à la rencontre des enfants laissés pour compte et tentent de les convaincre de quitter l’enfer de la rue pour rejoindre les foyers de la fondation. Tout le travail consiste alors à aider l’enfant à se stabiliser afin de quitter définitivement les mauvaises habitudes acquises dans la rue. C’est ensuite un travail de longue haleine pour les accompagner tout au long de ces années de reconstruction.
Dans ce contexte, quelle est votre action à vous, Abbé Dauchez ?
Je suis directeur de la fondation donc inévitablement cela comporte une part ingrate de gestion de la fondation afin d’assurer le bon fonctionnement d’une oeuvre qui compte aujourd’hui près de 1 000 enfants, 25 centres et 130 employés. Mais je suis très bien entouré dans cette tâche par toute une équipe qui se donne corps et âme au service des enfants. Toutefois l’essentiel de ma mission ne réside pas dans ce travail de gestion, mais plutôt dans l’écoute et la disponibilité auprès de ces enfants dont les cœurs ont été meurtris par une histoire blessée. Négligés, abandonnés, abusés, ces enfants ont ce terrible sentiment qu’ils ne sont pas dignes d’être aimés. En donnant notre temps et notre attention, nous essayons de casser ce terrible état d’âme. Finalement ma mission, plus qu’une action, est de consoler.
Qu’est-ce qui vous motive dans votre quotidien ?
Un mot pourrait suffire à expliquer notre motivation : leurs sourires. Les enfants des rues et des bidonvilles, les familles de chiffonniers et – avec une authenticité inégalable – les enfants handicapés, tous nous offrent chaque jour des sourires qui illuminent chacune de nos journées. Cette atmosphère de vraie joie, malgré leurs terribles histoires, nous donnent une force merveilleuse pour aller de l’avant en dépit d’épreuves incontournables. Leur résilience est impressionnante, mais plus encore la manière avec laquelle ils la revêtent de sourires rayonnants.
Pourquoi avez-vous fondé TNK ?
Je ne suis pas fondateur de l’œuvre. C’est un prêtre jésuite, rappelé depuis par ses supérieurs en France, qui a posé en 1998 les premières pierres de cette œuvre qui depuis n’a cessé de grandir. Encore séminariste à l’époque, j’étais présent aux débuts de l’œuvre, avec trois autres amis. Ma découverte des Philippines et de la fondation s’est donc faite un peu providentiellement. J’ai la faiblesse de croire que le Bon Dieu me préparait avec douceur pour une mission à laquelle j’allais consacrer toute ma vie.
Avez-vous un souvenir marquant de votre engagement ?
Je pourrais donner d’innombrables exemples de moments qui restent ancrés dans ma mémoire et dans mon cœur. Je peux par exemple donner l’exemple de ce jeune dont c’était l’anniversaire. Il avait perdu sa maman deux années auparavant et cela restait une blessure très à vif. Il s’est approché de moi et m’a demandé comme cadeau que je l’accompagne dans la chapelle pour qu’il puisse parler à sa maman. J’avais alors assisté à une scène étonnante où ce jeune après avoir prié avec sincérité, s’était mis à discuter naturellement avec sa maman dont il sentait très fortement la présence dans cette petite chapelle. J’ai compris que les cœurs de ces enfants blessés avaient soif de choses bien plus profondes que le simple aspect matériel.
Pouvez-vous nous partager l’une de vos plus belle réussite ?
Les plus beaux succès ne sont assurément pas les réussites scolaires ni même d’avoir arraché tel ou tel enfant à l’enfer de la rue. Les réussites ne sont pas d’abord matérielles mais bien spirituelles. Lorsqu’un enfant est capable de pardonner à ceux qui lui ont fait tant de mal, en famille ou dans la rue, nous assistons alors à un vrai miracle : des cœurs qui se remettent à battre d’une certaine façon et qui crient à la face du monde qu’ils sont dignes d’aimer et d’être aimés. les plus beaux miracles ne se situent donc pas au niveau du succès mais des fruits…
Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans ce quotidien ?
Se mettre au service des plus pauvres signifie accepter qu’ils soient nos maîtres, comme disait saint Vincent de Paul. Nous ne sommes donc pas « aux manettes »… Et si l’équipe de la fondation peut apporter aussi professionnellement que possible tout l’aspect matériel, le soutien moral et le cadre spirituel pour que les enfants se relèvent, il n’en demeure pas moins vrai que les blessures au plus profond de leurs cœurs nous restent inaccessibles. Il s’agit donc de découvrir les petites failles de leurs cœurs pour que le Bon Dieu s’y engouffre et vienne Lui-même panser les ecchymoses de leurs âmes.
Quels sont les besoins dont vous aimeriez faire part à nos donateurs ?
Prier. En ce qui concerne les aspects pratiques et matériels, la Providence s’occupe de nous et sera toujours à nos cotés, je n’en ai pas le moindre doute. Mais il faut prendre le temps d’implorer le Bon Dieu pour les âmes de ces enfants. Qu’Il les comble de Sa miséricorde pour les extirper des structures de péchés dont ils ne sont pas exempts et qu’Il les submerge de Sa paix pour consoler ces cœurs blessés. Au fur et à mesure des années, je vois de plus en plus clairement à quel point la prière est décidément le plus beau cadeau que l’on puisse nous offrir !