Dans un village du centre de la Côte d’Ivoire, Esther se bat pour offrir une vie digne à ses enfants, malgré son handicap, avec le soutien de la Fondation Raoul Follereau.

 

« Avant, les gens parlaient de ma fille comme celle ayant le bras coupé » souffle le père d’Esther, « elle avait une vie difficile à cause de son bras malade… Aujourd’hui ce n’est plus la même chose, sa clientèle grandit et les habitants de notre village lui demandent de s’investir davantage dans son commerce ! » exprime-t-il fièrement.

Sous un abri de bois, dans un village du district des Lacs, au centre-est de la Côte d’Ivoire, l’homme se remémore les épreuves traversées par sa fille. Atteinte d’un ulcère de Buruli dans l’enfance, la jeune fille fut soignée tardivement : « elle pleurait tellement, elle avait mal, je n’ai pas pu l’obliger à prendre les médicaments indigènes. Nous avons fini par aller à l’hôpital, mais son bras droit est resté handicapé ». Après la cicatrisation de la plaie, le coude se raidit et il devint impossible à Esther d’étendre son bras ni de fermer sa main droite. Ce handicap l’empêcha de pratiquer son métier de coiffeuse et elle commença à souffrir de rejet au sein de la communauté de son mari. Elle décida alors de partir et rentrer dans le village de son père, avec ses enfants.

En 2023, Esther rencontra sœur Jean-Jérôme Tano Akoua, l’assistante sociale du Programme national de lutte contre l’ulcère de Buruli (PNLUB). Celle-ci participait à un projet de recherche opérationnelle coordonné par la Fondation Raoul Follereau, avec le partenariat de la Fondation Anesvad : le projet Disability. Mené en Côte d’Ivoire et au Bénin à partir de 2021, Disability avait pour objectif d’améliorer les stratégies de prévention et de prise en charge globale des handicaps liés aux Maladies Tropicales Négligée (MTN) cutanées comme l’ulcère de Buruli. Au regard du handicap et de la situation sociale précaire d’Esther, sœur Tano Akoua lui proposa d’être accompagnée dans le cadre du projet.

Pour en savoir plus : https://www.raoul-follereau.org/disability-une-approche-novatrice-du-handicap-en-afrique-de-louest/

Une grande volonté de s’intégrer

Une faible estime de soi, c’est le constat que font les acteurs sociaux de la Côte d’Ivoire et du Bénin accompagnant des personnes atteintes de handicaps. Esther étant atteinte dans sa chair et souffrant de rejet, sœur Tano Akoua commença par l’aider à changer de regard sur elle-même, puis à se fixer des objectifs. « Esther avait une grande volonté de s’intégrer » témoigne l’assistante sociale, « mais personne ne s’intéressait à elle, il fallait donc impliquer toutes les personnes de son entourage. » Aussi une sensibilisation fut-elle d’abord faite auprès de son père, puis de tout le village. Nulle boutique ne proposant de poissons dans le village, la jeune femme exprima le projet d’ouvrir une épicerie avec un congélateur. La Fondation Raoul Follereau lui apporta son soutien. « Mais avant même qu’on envisage de l’équiper, Esther s’est démenée et a approvisionné elle-même sa boutique puis elle a ouvert un petit maquis pour proposer du café aux clients » se rappelle avec admiration sœur Tano.

Aujourd’hui, la cour de la jeune femme est aménagée par espace : d’un côté la boutique bien achalandée ; de l’autre un coin cuisine ouvert ; au centre un abri pour accueillir ses clients. Et à quelques pas de là, se dressent les murs de sa maison de briques qui fait sa fierté : cette maison, elle la bâtit progressivement, achetant dès que ses économies lui permettent, un sac de sable, une fenêtre,  … Il ne reste désormais plus qu’à poser fenêtres et porte, après quoi la jeune femme et ses trois enfants pourront y emménager.

Active, Esther est capable, malgré son handicap, de donner le bain à son dernier dans une petite bassine, courir répondre à la demande d’un client désirant du café ou une boite de sardines, laver le linge courbée en deux, tout en témoignant d’un sourire timide : « La boutique, c’est une joie pour moi, c’est une activité qui me permet de prendre soin de mes enfants. Mon souhait c’est que mes enfants soient scolarisés, même si moi je n’ai pas réussi. »