Villages Vivants, une société coopérative, a pour ambition de redynamiser les centres-bourgs et les commerces. Un projet soutenu par la Fondation dans le cadre de sa mission de revitalisation des territoires délaissés.

 

Rideaux tirés, vitrines peintes grossièrement à grands coups de pinceau, journaux d’un autre siècle scotchés sur les portes, enseignes poussiéreuses… La fermeture des petits commerces des villes de France est la partie visible d’un mal plus profond : la dévitalisation des centres-bourgs en zone rurale. Un constat qui habite notre quotidien au point parfois de ne plus voir que l’activité des petites et moyennes villes meurt à petit feu. Dans la Drôme, Trois jeunes d’horizons professionnels différents, décident de redonner vie aux villes et villages et fondent une société coopérative d’intérêt collectif : Villages Vivants.

 

Des Trente Glorieuses à la désertification

 

La fermeture des commerces en France est un phénomène qui débute à la fin des années 70 pour diverses raisons : niveau d’attractivité, équilibre commerciaux, la montée du e-commerce, le vieillissement de la population, etc. D’après une étude réalisée par l’institut pour la ville et le commerce en mai 2017, la vacance commerciale dans le cœur des agglomérations urbaines de plus de 25 000 habitants est estimée à 11,3 %. Un phénomène qui s’aggrave chaque année d’un point depuis 2010 mais qui n’affecte pas uniformément le territoire. Le Nord de la France et les régions de la « diagonale du vide » sont les plus touchés. D’une manière générale, ce sont des régions présentant un « déclin économique et/ou démographique durable »[1].

« Nous touchons à quelque chose d’ultra sociale », souligne Sylvain Dumas, l’un des fondateurs de Villages Vivants, « nous souhaitons montrer qu’une transition sociale est possible en s’appuyant sur une autre économie. » Face aux multiples stores tirés des boutiques de Crest, Valérie, Sylvain et Raphaël décident d’agir et fondent Villages Vivants. Cette société coopérative rachète les boutiques vides, les rénove puis les loue à prix progressifs à des porteurs de projets. « Ils ont tous des projets à visée coopérative et sociale. Nous avons dû tester beaucoup de choses avant de pouvoir nous lancer vraiment. Personne n’avait fait ça avant et la dimension immobilière est complexe. » Pour cela, tout le village, et parfois la région, y contribuent.

Villages Vivants contacte les propriétaires de vitrines vides et leur propose d’exposer des artistes. © Marie-Charlotte Noulens – FRF

L’une des ambitions de Villages Vivants est de mobiliser tous les acteurs de la vie d’une ville : élus, habitants, commerçants, etc. « Nous sommes partis des discussions de comptoirs », plaisante Sylvain Dumas, « nous sommes à l’échelle d’une ville ou d’un village donc naturellement, nous avons organisé des réunions publiques dans les cafés. » A l’issue de ces réunions, des comités de pilotage sont créés. Ces comités décident et organisent l’animation des rues : exposition, balade urbaine, état des lieux de la vacance commerciale, étude de marché…

Dans la rue Archinard, à Crest, des vitrines chatoyantes attirent l’œil : des œuvres d’art sont exposés aux regards des passants. « C’est l’une de nos méthodes pour rendre la rue moins morose : contacter le propriétaire d’une boutique vide et lui demander de prêter sa vitrine à des artistes », explique Marie Isserel, la porte-parole de Villages Vivants.

La rue Archinard, à Crest (Drôme), est la première rue qui a repris vie grâce à l’association. © Marie-Charlotte Noulens – FRF

 

L’auberge reprend vie

 

L’auberge de Boffres a pour ambition de remettre des services dans le village. © Marie-Charlotte Noulens – FRF

En Ardèche, Boffres, un petit village suspendu à une colline, accueille de nouveaux habitants. Au loin, des bruits de travaux fendent l’atmosphère paisible de la vallée. « Bienvenus à l’auberge de Boffres », lance Arthur, un jeune homme d’une trentaine d’années, « nous sommes en plein travaux mais la cuisine et la terrasse sont ouvertes ! Nous appelons cette espace la guinguette. » Depuis le début de l’été, l’auberge reprend vie. Le bâtiment est le tout premier achat de Villages Vivants qui le loue à quatre jeunes professionnels : Malika, Mario, Arthur et Ludovic. Ensemble, ils vont créer un gîte qui sera aussi un restaurant, épicerie et un bar. « Leur projet nous a plu », explique Sylvain Dumas, « il est vraiment inscrit dans le réel avec une dimension sociale forte. »

Une fois l’auberge achetée par Villages Vivants, les travaux ont pu commencer rapidement. Malika, architecte, s’occupe du suivi du chantier tandis que Mario et Ludovic sont en cuisine. « Ce genre de chantier de démolition est difficile moralement et physiquement. Heureusement, beaucoup de bénévoles viennent nous aider pour les travaux », explique Arthur, futur gestionnaire de l’entreprise, « en une journée, nous avons réussi à sortir vingt tonnes de gravats. » Haut de quatre étages, le bâtiment est ancien et certaines parties du plancher sont fragiles. Pourtant, l’équipe a déjà plusieurs projets en tête : espace de travail partagé, gîte, atelier pour les artisans, salles de concerts… « Pour le moment, la guinguette, notre petit restaurant, permet de nous financer et faire de la trésorerie. »  Les produits proviennent à 100 % de l’Ardèche mais l’équipe souhaiterait aller plus loin. « En créant des liens avec les producteurs du village, nous aimerions avoir une cuisine et une épicerie avec une majorité de produits de Boffres. »

Un apiculteur de la région vient proposer son miel à l’épicerie de l’auberge. © Marie-Charlotte Noulens – FRF

L’auberge de Boffres a également l’ambition de créer des liens avec les habitants. A leur arrivée, les quatre associés ont organisé une réunion avec le maire de Boffres et les villageois. « Nous voulions nous présenter et leur demander ce qu’ils attendent de l’épicerie », se souvient Arthur. « Il est arrivé que des gens viennent nous voir à l’auberge pour nous dire qu’ils se sont fiancés ici ou qu’ils y ont célébré une fête pour leur mariage. C’est vraiment sympa. » Prochainement, l’auberge sera aussi un relais de poste afin de remettre des services dans des lieux qui se dépeuplent. Les allocations de La Poste correspondent au montant du loyer ce qui permettra aux quatre jeunes professionnels de se concentrer pleinement sur l’avenir et les travaux. La Fondation Raoul Follereau, en plus de Villages Vivants, soutient leur installation.

Le 2 septembre 2019, Villages Vivants a reçu l’agrément Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale (ESUS).

[1] https://www.institut-ville-commerce.fr/index.php/component/attachments/download/228