Le 8 novembre dernier, le Vatican organisait une conférence à Rome avec les ambassades de France, d’Italie, de Monaco et des Etats-Unis pour examiner la situation mondiale de l’eau. La Fondation Raoul Follereau agit déjà au Bénin pour offrir de meilleures conditions sanitaires par la fourniture d’eau, de l’hygiène et l’assainissement. Une approche globale inédite de prise en charge des maladies tropicales négligées comme la lèpre.
Dans le Sud du Bénin, le département du Zou abrite un village un peu particulier : le village d’Agonvè. Situé dans une zone marécageuse, Agonvè est scindé en deux hameaux : l’un sur la partie terrestre, Houéli, et l’autre, Azili, entouré par les eaux d’un lac qui p
orte le même nom. Pour y accéder, une seule solution : le bateau. Ici, les villageois vivent au rythme du lac Azili, de la pêche et de l’agriculture dans des conditions précaires.
Un projet pilote
Si le temps semble s’être arrêté dans le village en terre battue ocre, mollement balloté par les flots, les habitants subissent de front de nombreuses maladies de manière endémique comme la lèpre, l’ulcère de Buruli et le paludisme. Les gastro-entérites viennent compléter le tableau avec les dermatoses, très fréquentes chez les enfants. En cause : la proximité du lac et un approvisionnement en eau insuffisant en quantité et en qualité. A cela s’ajoute les multiples comportements à risque dans les pratiques quotidiennes des habitants de l’île. A Agonvè, l’eau potable est une denrée rare aussi bien dans les ménages que dans les écoles ou le centre de santé. Les dépotoirs et la défécation à l’air libre sont des habitudes bien ancrées dans la localité ce qui accentuent les risques de transmission de maladies.
Face à ce constat, la Fondation Raoul Follereau a débuté cet été un projet pilote intégrant stratégies globales de santé publique en partenariat avec le programme national de lutte contre la lèpre et l’ulcère de Burulli. En clair, pendant trois ans, la Fondation va promouvoir le dépistage actif, la prise en charge des malades, sensibiliser la population aux pratiques d’hygiène et agir sur la qualité de l’eau et de l’assainissement. Derrière cette multitude d’actions se profile un unique objectif : diminuer les maladies tropicales négligées comme la lèpre.
Les femmes et les enfants d’abord
Enquête sur l’hygiène et l’assainissement, gestion des déchets, stockage de l’eau de boisson, lavage des mains, utilisation des latrines… Depuis le mois de juillet, les équipes de la Fondation sont sur le pont pour les 2000 âmes d’Agonvè. Les campagnes de sensibilisation aux bonnes pratiques recouvrent la santé, l’hygiène et l’assainissement. Elles ciblent principalement les femmes, très actives dans le village, mais aussi les enfants par le biais des mères et des professeurs d’école. Un levier important lorsque l’on sait que la quasi-totalité des ménages utilisent l’eau du lac et que les écoles sont dépourvues de lave-main et d’urinoir.
« La population est très impliquée dans le projet », constate avec enthousiasme Pierre Velut, le Représentant de la Fondation au Bénin. Deux béninois, formés aux techniques d’animation rurales, sont chargés d’animer les sessions dans 6 groupes de villageois. « Hilaire et Nadia font un travail formidable », souligne Pierre. Ce travail ne peut s’accomplir sans le soutien des responsables du village et des élus locaux qui s’investissent tout autant dans le projet.
L’eau potable arrive au village
Dans le village, c’est l’effervescence. Une grosse citerne noire trône sur la place publique. Jean-Claude Augereau, président de l’association Agir Ensemble, a fait le déplacement jusqu’au Bénin pour inaugurer ses machines. Appelées Safe Cube Water, elles permettent de filtrer l’eau pour la rendre potable. Tel un grand cru millésimé, l’eau est tirée des cuves avec soin. Trouble et grise avant le filtrage, elle ressort d’une limpidité étonnante. Les enfants ont l’honneur de boire le tout premier verre d’eau potable de l’île. Avec une capacité de filtrage à 15 000 litres d’eau par mois, ces points d’accès sont une véritable avancée pour le village. Il en existe deux à présent, un près du château d’eau, dans le village, et un dans l’école.
Malgré quelques difficultés pour atteindre le hameau d’Azili avec le matériel, « le projet avance et commence à montrer des résultats », annonce Pierre. Sur les eaux tranquilles du lac, l’horizon disparaît dans la brousse au déclin du jour. Demain, de nouveaux défis attendent les équipes de la Fondation qui savourent pour l’heure la joie de cette petite victoire sur la misère. « Alors… demain ? Demain, c’est vous. »[1]
[1] Follereau Raoul, « Vous aurez 20 ans en l’an 2000 », Flammarion, Paris, 1986, 182 p.