Mené au Mali depuis 2019, l’essai clinique sur la molécule bédaquiline arrive au terme de sa phase II. Les résultats sont très encourageants et les bases d’un nouveau traitement contre la lèpre se profilent. 

 

Après l’huile de chaulmoogra utilisée contre la lèpre dans les années 1930, les soignants ont prescrit la dapsone aux malades, mais rapidement des résistances à cet antibiotique sont apparues. En 1982, le développement d’une polychimiothérapie (PCT) constituée de la dapsone, la rifampicine et la clofazimine (*) a marqué un tournant dans la lutte contre la lèpre, et le traitement a été déployé dans les années 1990. Toutefois, cette PCT présente elle aussi des limites : d’une durée de 6 à 12 mois selon le taux de bacille dans le corps, le traitement est lourd et exigeant pour les malades. De plus, les antibiotiques ne sont pas sans effets secondaires : la clofazimine peut colorer en rose ou rouge la peau et les yeux des personnes à peau claire, pouvant provoquer une stigmatisation de ces personnes ; la dapsone quant à elle est susceptible d’entraîner certaines réactions allergiques.

Au Mali, des chercheurs ont ainsi commencé à travailler, à partir de 2019, sur une molécule utilisée contre la tuberculose : la bédaquiline. L’essai clinique mené à l’Hôpital Dermatologique de Bamako est soutenu  par le Programme national de lutte contre la lèpre au Mali, la Fondation Raoul Follereau, la Colorado State University, le CNR-Myrma et la société Janssen. « Cet essai arrive à son terme et les résultats sont très positifs » déclare avec satisfaction le Dr Christian Johnson, directeur médical de la Fondation.

Une nouvelle combinaison thérapeutique à définir

Au cours des cinq années d’étude, trois types de test ont été réalisés afin d’étudier d’une part l’efficacité de la molécule bedaquiline, d’autre part la tolérance des malades à cette molécule. L’essai clinique a été pratiqué auprès de 29 personnes – consentantes – atteintes d’une lèpre de forme multi-bacillaire : toutes ont reçu la molécule durant deux mois. 56 jours après le traitement, quatre des malades ont présenté une amélioration nette de leurs lésions de peau, 24 autres une amélioration modérée. Le modèle murin a également été utilisé pour vérifier l’efficacité du traitement sur l’homme, en inoculant dans la patte de souris des prélèvements faits sur les patients. Enfin, la biologie moléculaire a confirmé la haute efficacité de la molécule – cette récente méthode permettra à terme de remplacer le modèle murin. 

La bédaquiline permettrait donc de réduire sensiblement le temps de traitement pour les malades de la lèpre, qui passerait de douze à deux mois, sans effets indésirables. Néanmoins, cette molécule ne suffit pas à constituer un nouveau traitement. Le Dr Johnson rappelle une règle essentielle : « on ne doit jamais donner une monothérapie, sous risque de développer très rapidement des résistances. » L’objectif sera donc de combiner la bédaquiline à une autre molécule afin de développer un traitement robuste et court. 

(*) Le travail sur la PCT dapsone-rifampicine-clofazimine a été mené, à partir de janvier 1980, par un groupe d’experts de l’Organisation mondiale de la Santé dirigé par le Pr Jacques Grosset, alors président de la commission médicale de la Fondation Raoul Follereau.