L’histoire du CNAM remonte aux temps du Soudan français. Le CNAM est créé en 1934 sous le nom d’Institut Central de la Lèpre en Afrique Occidentale Française. Il sera ensuite rebaptisé l’Institut Marchoux puis CNAM et acquiert une réputation internationale dans le combat contre la lèpre en devenant un centre collaborateur de l’OMS dans le cadre de la mise en place de la Polychiomothérapie (PCT). Le CNAM travaille en collaboration avec le Programme National de Lutte contre la Lèpre (PNL), qui distribue les médicaments contre la lèpre. Depuis plus de 36 ans, la Fondation Raoul Follereau apporte un soutien financier à la division lèpre qui comprend la recherche, la formation du personnel soignant ainsi que les soins dispensés aux malades.
Une trentaine de consultations par jour
Nous suivons le docteur Fomba le long des allées de sable du CNAM jusqu’au bâtiment du service de léprologie. Surnommé « l’homme de la lèpre », le docteur Fomba est le chef du service : « Ici, nous réalisons une trentaine de consultations par jour. » Sous l’auvent, quelques patients attendent leur consultation dermatologique, assis sur un banc. « Certains viennent pour un dépistage, d’autres pour des complications lépreuses ou des rechutes de lèpre avec le traitement PCT », précise le médecin tandis qu’il s’engouffre dans le bâtiment.
Dans la salle de consultation, des étagères tapissent littéralement un des pans de mur en carrelage blanc. « Nous y mettons tous les dossiers de nos patients ainsi que les cahiers de traitement. », précise le médecin. Sur les pages un peu cornées du cahier, des formes se dessinent au trait fin : des mains, des pieds, des corps. « Lors des consultations, nous reportons les tâches et mutilations des patients sur chaque dessin. » Après avoir mesuré le degré d’invalidité, le médecin rempli une fiche neurologique. « La lèpre atteint les nerfs périphériques, la peau et les muqueuses. Il faut donc évaluer la sensibilité des doigts et des pieds. »
Plus la maladie est dépistée tardivement, plus le degré de séquelles physiques invalidantes est élevé. « Le problème c’est que beaucoup de gens vont d’abord consulter un marabout pour les guérir avant de venir au CNAM », déplore le docteur Fomba, « leur état nécessite parfois une hospitalisation dans notre service de léprologie. »
« Et toi ? Tu viens d’où ? »
Un peu à l’écart dans l’enceinte du CNAM, les bâtiments dédiés à l’hospitalisation forment un hameau paisible, ombragé par quelques palmiers. Dans la grande cour de sable rouge, des patients sont assis autour d’un petit feu et partagent du thé. Seul le grésillement de la radio perturbe le calme apparent du lieu. Ils sont plus d’une dizaine à être hospitalisés, hommes et femmes de tout âge, chacun avec son histoire.
Dans le bâtiment principal, les chambres sont collectives mais non mixtes. « Et toi ? Tu viens d’où ? », demande le docteur Fomba, passant de lit en lit. « Beaucoup de nos patients sont de l’ethnie peule. Je ne sais pas pourquoi. » Les Peuls sont un peuple nomade de l’Afrique de l’Ouest établis dans plusieurs pays dont le Mali. La majorité des patients ont connu le CNAM par le bouche à oreille, sur les conseils d’un parent, d’un ami ou d’un ancien malade. « Je viens de Guinée », confie une jeune femme, allongée sur son lit en fer, tandis qu’un petit enfant s’agite dans les replis de la moustiquaire, « j’avais des œdèmes mais personne n’était capable de poser un diagnostic. Au début, on m’avait dit que c’était peut-être dû à des problèmes cardiaques. » Après avoir fait le tour de la Guinée, la jeune mère atterrit avec son bébé à Bamako.
« Heureusement, elle n’a pas de grosses séquelles visibles »
A la capitale, les médecins soupçonnent un cas de lèpre et la dirige vers le CNAM. Puis, la nouvelle tombe : le diagnostic de la lèpre est confirmé. « Heureusement, elle n’a pas de grosses séquelles visibles », précise le médecin. Ce qui n’est pas le cas de tous les patients hospitalisés dans le service. En témoigne la prothèse de jambe posée à l’entrée de la chambre voisine. A l’intérieur, deux hommes d’un âge avancé sont en grande discussion. « Ce sont des grands invalides de la lèpre », précise le docteur Fomba en les saluant, « la lèpre entraîne une perte de la sensibilité et une sécheresse de la peau. Lorsqu’un ancien malade se blesse, il ne le sent pas. La blessure s’aggrave et s’infecte. On parle de maux perforants plantaires. » En 2017, 717 patients du service léprologie ont eu recours à la chirurgie, principalement pour des curages de plaies.
Un changement des mentalités
« La lèpre est une maladie sociale. C’est pour cela que nous avons un responsable social », précise le docteur Fomba, en présentant Joseph Samara. De petite taille, le regard à la fois réservé et bienveillant, Joseph Samara joue un rôle essentiel dans le retour des patients guéris chez eux, au village. Le problème se pose particulièrement pour ceux qui ont des invalidités handicapantes. En d’autres termes, Joseph évalue puis répond aux besoins sociaux de base des anciens malades comme les vêtements, le transport, les prothèses…
Au Mali, les malades de la lèpre sont de moins en moins stigmatisés et un changement des mentalités s’opère. Cependant, seul le dépistage actif et un travail constant pourront, à terme réduire le nombre de nouveaux cas de lèpre par an.