À Niamey, la nuit est le royaume implacable et brutal de milliers d’enfants et d’adolescents vivant dans la rue. Depuis plus de vingt ans, Gilles Akakpo va à leur rencontre, leur offrant écoute et soutien. En 2007, il a ouvert un foyer – le Foyer de Tonton Gilles – où sont accueillis ceux qui ont décidé de changer de vie.
Au cœur du Sahel, le Niger a connu, en quelques années, des crises sanitaire, climatique, sécuritaire et politique. Les évènements de juillet dernier ont entraîné une hausse des prix des produits de base : le prix du riz a doublé en deux mois et l’inflation atteint d’autres biens de première nécessité, tels que l’huile, la farine de manioc, les boites de sardines. Autant d’aliments que les jeunes vivant dans les rues peinent davantage encore à se procurer désormais.
Des bandits, des voyous, des malfrats … les mots ne manquent pas, chez les passants, pour décrire les jeunes vivant dans la rue, ces jeunes qu’ils préfèrent ne pas voir, ces jeunes invisibles. Mais un homme vient à leur rencontre et prend leur défense depuis plus de 20 ans :
« Un enfant ne décide pas d’aller dans la rue, il y est poussé.
Il y a un trait commun à tous ces enfants : tous ont connu des problèmes dans leur famille. » Gilles Akakpo
Gilles Akakpo a lui aussi grandi dans la rue, jusqu’à sa rencontre avec un bienfaiteur qui l’a aidé à en sortir et à se réconcilier avec son propre père. Devenu assistant social, entraineur de football et animateur de radio, Gilles a toujours eu à cœur d’aider, à son tour, ses amis de la rue.
Aujourd’hui, au regard des enfants invisibles, il est Tonton Gilles : celui à qui les enfants et les jeunes, arrivés dans la rue après avoir fui leur foyer, savent pouvoir se confier et demander un peu d’aide. Certains sont orphelins, d’autres abandonnés, beaucoup ont quitté leur foyer en raison de la misère ou des violences subies de leurs proches.
Dans la rue, c’est une autre violence à laquelle ils sont confrontés, un monde régi par la loi du plus fort. Afin de dormir, oublier, tenir, la plupart ont recours à la drogue – un peu de superglue qu’ils acquièrent pour 200 francs CFA.
Pour Gilles, il importe de se mettre à leur niveau, de passer du temps avec eux, les écouter, s’intéresser à leur histoire. Il les exhorte à arrêter la drogue. Et, lorsque certains lui expriment leur volonté de quitter la rue, il s’assure de leur détermination. Si une réconciliation n’est pas possible dans l’immédiat avec leur famille, alors il les accueille au sein du foyer qu’il a ouvert en 2007 – le Foyer de Tonton Gilles.
Au foyer, les enfants commencent par renouer avec une vie normale, sans violence ni drogue. Ce n’est qu’une fois ceux-ci réadaptés que Gilles leur propose de suivre une scolarité ou commencer un apprentissage (de tailleur, menuisier, mécanicien, etc.). Depuis 2013, plusieurs directeurs ont accédé à la demande de Gilles et ouvert leurs établissements scolaires et écoles d’apprentissage aux jeunes qu’il leur confie.
Aujourd’hui, 22 enfants et adolescents vivent au foyer. L’exemple de ceux qui ont réussi avant eux les encouragent à s’appliquer et étudier pour gagner leur autonomie. En 2021, Mohammed a été le premier des garçons accueillis à réussir son baccalauréat. Il effectue depuis lors un stage dans une compagne de transport.
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Par l’intermédiaire de ses partenaires engagés sur le terrain, au service des plus vulnérables depuis plusieurs décennies, la Fondation Raoul Follereau poursuit ses actions en tous pays. Au Niger, elle soutient ainsi le travail de Gilles Akakpo auprès des enfants ayant quitté la rue, en finançant leurs frais de scolarité et de formation professionnelle.