Le 28 novembre 2024, Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie française, Monsieur Amin Maalouf a remis le prix Raoul Follereau à titre posthume à sœur Joany Ravaoary, infirmière à Madagascar, représentée par sœur Fanilomanalina Feminasoa.
L’émotion était grande ce soir-là, dans la salle aux tons pastels ouvrant sur la cour d’honneur du palais du Quai de Conti. Monsieur le Secrétaire perpétuel de l’Académie française, Monsieur Amin Maalouf, remettait le prix Raoul Follereau à sœur Fanilomanalina Feminasoa de la Compagnie des Filles de la Charité. Déléguée par sa congrégation, celle-ci reçut le prix qui avait été décerné, en juillet 2024, à sœur Joany Ravaory, quelques jours avant son décès.
« C’est toujours un honneur pour l’Académie française de décerner, tous les deux ans depuis 1955, le prix Raoul Follereau récompensant une personne qui par ses travaux, son action et son exemple s’est illustrée dans le combat contre la lèpre. Malheureusement cette année, la tristesse se mêle à la joie, car sœur Joany Ravaory nous a quittés le 17 juillet dernier, non sans avoir appris très peu de temps auparavant que l’Académie française lui avait attribué le prix Raoul Follereau pour son engagement et son dévouement. »
Sœur Joany Ravoary était infirmière et responsable du centre d’Ampasy, aux portes de Fort Dauphin, ville située à l’extrême sud de Madagascar. Après avoir soigné les malades de la tuberculose, sœur Joany s’était dévouée aux malades de la lèpre. Sous sa direction, le centre d’Ampasy était devenu une référence en termes de prise en charge des complications liées à la lèpre. En plus de ses compétences reconnues, la religieuse sut aussi offrir une présence pleine de douceur et d’attention aux malades, enfants et visiteurs du centre. Une qualité de présence à laquelle ceux qui l’ont côtoyée ont souhaité rendre hommage, le 28 novembre, sous les ors de l’Institut.
Une femme « altruiste », « humble » et « première de cordée »
Oleg Ouss, président du Directoire de la Fondation Raoul Follereau, avait rendu visite à sœur Joany, hospitalisée à Antananarivo, le 11 juillet 2024, et l’avait informée de sa nomination comme lauréate du prix de l’Académie française :
« (…) Soeur Joany était très faible mais bien présente, et elle a vécu ce moment avec beaucoup de joie, remerciant Dieu, la Fondation Raoul Follereau, l’Académie française, les équipes Follereau de Madagascar et de Paris. Sa joie était très altruiste, elle pensait avant tout aux malades, et se réjouissait que l’on pense à eux depuis Paris. (…)
Je voudrais rendre hommage à cette vie si belle et si féconde, consacrée aux malades et aux plus pauvres, dans l’émerveillement pour cette belle personne que nous avons eu la chance de côtoyer et d’aimer. C’est également une consolation que d’avoir pu lui annoncer de vive voix l’attribution de ce prix, qui constitue un hommage qui rayonne aussi sur tout le travail de la congrégation à Madagascar, au service des malades et des enfants qu’elle aimait tant. »
Le docteur Bertrand Cauchoix, représentant et médecin de la Fondation Raoul Follereau à Madagascar de 2007 à 2024, travailla durant de longues années avec sœur Joany avec qui il avait noué une profonde amitié :
« La lèpre est une maladie qui existe depuis la nuit des temps. Aujourd’hui les malades vivent souvent dans l’indifférence, quand ce n’est pas dans le rejet. Depuis toujours, les religieux se sont engagés à leurs côtés, dans la lutte contre la lèpre. Ce prix remis à sœur Joany, c’est aussi une reconnaissance du travail réalisé depuis des siècles par ces ordres confessionnels. Le travail auprès des malades de la lèpre n’est pas facile. (…)
Je fais partie des gens qui ont soutenu la candidature de sœur Joany : elle ajoutait à ce charisme, à cet altruisme, à cette humilité, une capacité à réunir à écouter, à encadrer, à enseigner, avec les technologies. Sœur Joany était un leader, elle guidait, accompagnait les sœurs dans leur travail et dans leur engagement religieux. C’était une personne absolument formidable. J’étais encore dans son centre récemment, et la relève est assurée grâce à elle. En sœur Joany, je salue une amie et une travailleuse formidable. Sœur Fanilo fait aussi un travail remarquable dans un centre luttant contre la tuberculose, la malnutrition. Elle a travaillé avec sœur Joany. »
Sœur Fanilomanalina Feminasoa est la responsable d’un centre de santé voisin du centre que dirigeait sœur Joany, à Ampasy. Elle y soigne les malades de la tuberculose et avait collaboré avec sœur Joany qu’elle considérait comme son aînée :
« (…) C’est un grand honneur pour moi d’être parmi vous. C’est l’occasion de saluer la présence et les actions de la Fondation Raoul Follereau à Madagascar et d’exprimer la gratitude de notre Province pour l’obtention du Prix Follereau de l’Académie Française.
Ce prix a été attribué à sœur Joany Ravaory, Fille de la Charité de la Province de Madagascar. Emportée par un cancer foudroyant en juillet dernier, elle ne pouvait honorer votre invitation, nos responsables m’ont déléguée pour la représenter. Pour les Malgaches, la relation à l’aîné est très importante : l’aîné a la délicate mission d’initier les cadets à l’esprit de la famille, sa culture propre, son mode de vie. Sœur Joany a été pour moi cette première de cordée, tant sur le plan vocationnel que sur celui du service professionnel. Elle visitait régulièrement le centre de santé dont j’étais responsable. Elle m’a initiée au dépistage de la lèpre et aux visites en brousse dans le même but. Elle tenait à ce que nous soyons formés. Une réelle entraide existait entre nous pour l’approvisionnement en médicaments et en matériel. Cette attention et ce réconfort, sœur Joany les portait à tous, avec le souci d’un service de qualité.
Sœur Joany a toujours cherché à collaborer pour sensibiliser, soigner, éduquer et réinsérer les malades et leur famille. Elle savait employer les mots justes pour encourager les parents à envoyer leurs enfants à l’école ou en formation, et à ‘s’engager eux-mêmes dans une activité génératrice de revenus par l’élevage ou l’agriculture. Au-delà de la guérison physique, la réinsertion sociale est une des priorités de notre Province, ce fut donc aussi celle de sœur Jonay.
Sœur Joany a pu être informée personnellement de l’obtention de ce prix par M. Oleg Ouss. Cette nouvelle l’a remplie de joie.
Pour notre Province, le choix de la compagnie des Filles de la Charité comme bénéficiaire de ce prix est un appel à continuer la route empruntée par sœur Joany, après beaucoup d’autres sœurs, au service intégral de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes. En effet, nous croyons fermement, comme votre fondateur Raoul Follereau qu’« il ne suffit pas d’être guéri pour être debout ». »
Voir aussi : https://www.raoul-follereau.org/soeur-joany-une-douce-presence-aupres-des-malades-de-la-lepre/