À N’Djamena, le centre de santé d’Habena et le Centre d’Appareillage et de Réadaptation de Kabalaye (CARK) assurent une prise en charge des malades de la lèpre en situation de handicap. Ces derniers, isolés et méconnaissant les possibilité de soins, attendent parfois des années avant de consulter.
Les deux centres reçoivent un soutien de l’Union Internationale des Associations Raoul Follereau (UIARF).
Griffes aux mains, plaies aux pieds, paralysie faciale, problèmes oculaires ou encore faiblesses musculaires… autant d’invalidités que constate Maïlarmé Taïtouin chez certains patients qu’elle accueille au centre de santé d’Habena, à la périphérie de la capitale tchadienne. « Cela me touche beaucoup de les voir comme ça, car ce sont des choses qu’on pourrait éviter, les soignants ne connaissant pas bien la lèpre, les malades ne sont pas pris en charge correctement et des invalidités irréversibles se développent » rapporte l’infirmière. Celle-ci reçoit chaque année, depuis 2012, entre 20 et 50 nouveaux malades de la lèpre, arrivant pour la plupart des provinces voisines de N’Djamena. Formée au dépistage, au traitement et au suivi de la lèpre, Maïarmé Taïtouin bénéficie de la supervision de l’équipe du Programme National de Lutte contre la Lèpre (PNLL) et du médecin de la Fondation Raoul Follereau pour la prise en charge des complications. Lorsqu’un acte chirurgical lui semble nécessaire, elle prend conseil auprès d’eux puis confie le patient au chirurgien. Après l’amputation, il faut compter 6 mois de cicatrisation : certains malades rentrent dans leur village, d’autres s’installent à proximité du centre de santé tenu par l’infirmière, dans des cases de fortune. Une fois la cicatrisation opérée, les patients sont conduits vers le Centre d’Appareillage et de Réadaptation de Kabalaye (CARK).
Un centre d’excellence ouvert à tous
Le Centre d’Appareillage et de Rééducation de Kabalaye (CARK) a été créé, en 1981, sur l’initiative du diocèse catholique de N’Djamena, pour prendre en charge les blessés de la guerre civile de 1979-1980 et les enfants atteints de la poliomyélite. Depuis lors géré par l’organisation SECADEV, le centre accueille des personnes arrivant de toutes les provinces du Tchad et des pays frontaliers – le CARK et la Maison Notre Dame de Paix de Moundou sont les deux centres d’appareillage fonctionnels au Tchad. Les patients se présentent avec des handicaps dus pour la plupart à des accidents de la route, mais aussi au diabète ou à la lèpre. Le centre assure, selon les besoins, l’appareillage en prothèses, orthèses, béquilles ou cannes, et le suivi kinésithérapeutique.
« Un patient, c’est un patient, je ne fais pas de différences entre un accidenté, un malade de la lèpre ou un malade du diabète » exprime le responsable du département orthoprothésiste du CARK, Domadjingar Kaha Dakor (ci-dessous en photo). Celui-ci se rappelle les premiers malades de la lèpre pris en charge dans les années 1990 : « Beaucoup des patients arrivaient à Habena, pieds nus, faute de chaussures adaptées, et ne pouvaient se déplacer après midi tant le sol était brûlant ». Aujourd’hui le praticien déplore le manque de référencement par les médecins en dehors de N’Djamena : les patients sont redirigés tardivement vers le CARK et n’apprennent pas à prendre soin de leur moignon. L’appareillage est alors plus laborieux et des séances de kinésithérapie indispensables.
Un changement de vie pour les malades
« À chaque fois que l’on reçoit un patient amputé, on lui explique qu’on ne peut lui rendre son membre mais qu’on peut l’appareiller et l’aider à marcher, à retrouver une autonomie et se réinsérer. A la sortie du CARK, les patients sont toujours satisfaits » se félicite Domadjingar Kaha Dakor. À Habena, Maïlarmé Taïtouin se réjouit tout autant lorsqu’elle évoque le changement radical qu’elle observe chez les patients : « Ce matin-même j’ai reçu un appel d’un patient ayant été équipé d’une prothèse, et il exprimait toute sa reconnaissance : « Grand merci, j’étais mourant et aujourd’hui je rentre chez moi, et je marche ! »».
Les malades accueillis à Habena sont accompagnés par l’Association de solidarité avec les Lépreux du Tchad (ASALT). L’ASALT est le représentant, au Tchad, de l’Union internationale des associations Raoul Follereau (UIARF), partenaire du centre d’Habena et du CARK.